ARTICLE
Au cours de ces dernières années, la biologie moléculaire a
modifié considérablement le diagnostic de routine des maladies
infectieuses, génétiques et néoplasiques. Toute étude de génétique
moléculaire implique la disposition d'échantillons d'acides
nucléiques. Les applications médicales (diagnostic moléculaire et
anténatal de maladies héréditaires et de maladies infectieuses,
identification génétique en cas de recherche de paternité...)
concernent en général l'étude du génome lui-même, c'est-à-dire de
l'ADN ; toutefois, l'étude des ARN est nécessaire dans certains cas
précis : quantification d'ARN viral, étude de l'expression de
certains gènes (cytokines, récepteurs...) dans des tumeurs...
Dans la plupart des études de routine en médecine, les leucocytes
sanguins représentent la source majeure d'ADN. Les autres sources
cellulaires peuvent être des biopsies (biopsie de villosités
choriales...) ou des cultures de cellules (amniocytes, fibroblastes,
lignées lymphoblastiques...). La détection de la présence d'un ou de
plusieurs micro-organismes et virus peut se réaliser dans d'autres
milieux biologiques tels que sérum, liquide céphalorachidien, urine,
salive, crachat, exsudat, écouvillonnages (gorge, œil...), etc.
Dans la grande majorité des cas, la technique d'extraction des
acides nucléiques doit être adaptée à l'échantillon biologique, à la
nature du génome (cellulaire, exogène), au nombre de copies dans
l'échantillon et aux méthodes de biologie moléculaire utilisées
ultérieurement (polymerase chain reaction (PCR),
Southern-blot, électrophorèse en champ pulsé...).
Au cours de ces vingt dernières années, de très nombreux procédés
d'extraction des acides nucléiques ont été décrits, et des kits sont
actuellement proposés par un certain nombre d'industriels.
L'objectif de ces méthodes de purification est notamment d'éliminer
les contaminants qui pourraient perturber les techniques ou
réactions effectuées par la suite. Par exemple, l'hème est un
puissant inhibiteur de la Taq polymérase, qu'il est nécessaire
d'éliminer au cours de l'extraction. Il en est de même de
l'héparine. C'est la raison pour laquelle il est préférable de
prélever stérilement le sang frais sur un anticoagulant du type
EDTA, qui, de plus, est un inhibiteur des nucléases. De préférence,
l'extraction de l'ADN doit être réalisée sur du sang frais, voire,
en cas d'impossibilité technique, sur du sang stocké au maximum 1-2
j à 25 °C (envoi possible par courrier) ou 7 j à 4 °C, sous peine
notamment de réduire le rendement de l'extraction d'au moins 15 %.
En effet, la cristallisation lors de la congélation suivie de la
décongélation provoquent des contraintes mécaniques qui se
traduisent par de nombreuses cassures de la molécule d'ADN.
Ce texte a pour objectif de décrire les principaux procédés
d'extraction des acides nucléiques et de donner au biologiste les
principaux éléments nécessaires au choix de la technique
d'extraction des acides nucléiques à partir d'un échantillon sanguin
la plus adaptée à son laboratoire.
Les principaux
procédés d'extraction des acides nucléiques
Les méthodes d'extraction des acides nucléiques peuvent se
classer en trois principales classes en fonction du principe auquel
elles font appel : les méthodes utilisant des solvants organiques,
les méthodes utilisant des solvants non organiques, les méthodes
basées sur l'utilisation de microcolonnes de résines échangeuses
d'ions.
Quelle que soit la méthode d'extraction des acides nucléiques
utilisée à partir du sang fraîchement recueilli ou décongelé, le
sang doit être initialement vigoureusement mélangé à une solution
hypotonique pour faire éclater les globules rouges. Les solutions de
lyse des globules rouges sont nombreuses et variées. Par exemple,
les solutions suivantes peuvent être utilisées : a) Tris 10
mM/MgCl2 10 mM/NaCl 10 mM, b)
NH4CO3H 0,9 mM/NH4Cl 131 mM, c)
Tris 20 mM pH7,5/MgCl2 5 mM et d) Tris 10 mM pH7,4/EDTA
(ethylene diamine tetra-acetic acid) 10 mM. La lyse est en
général réalisée à 4 °C pendant 20 à 30 minutes.
Le lysat est centrifugé (15 min, 1 500 g) et, après élimination
du surnageant, le culot cellulaire contenant les leucocytes (0,3 %
des cellules circulantes) est repris dans une solution saline (NaCl
0,15 M/EDTA 0,1 M pH 10,5, par exemple) et est traité par une
solution de lyse des globules blancs. Il existe un grand nombre de
solutions de lyse en fonction de la nature du détergent anionique
utilisé. Par exemple, les solutions aqueuses suivantes peuvent être
utilisées : a) TPNS (tri-iso-propyl-naphtalene-sulfonique
acid) 6 %/butanol-2 8 %/SDS (sodium dodecyl sulfate) 3 %,
b) Tris 10 mM pH 7,4/EDTA 10 mM pH 8/NaCl 50 mM/Sarcosyl 2 %, c)
Tris 20 mM pH 7,5/NaCl 400 mM/EDTA 2 mM/Sarcosyl 2 %. L'ADN
nucléaire libéré dans le milieu est alors le plus souvent traité par
une protéinase très active, la protéinase K, qui a pour but de
digérer les protéines qui lui étaient associées. En fonction des
protocoles, le traitement par la protéinase K (10 mg/ml) est
effectué 1 à 2 h à 65 °C ou 30 min à 1 h à 55 °C ou 3 à 18 h à 37
°C.
C'est à ce stade en général que les procédés d'extraction et de
purification varient.
Méthodes utilisant des solvants
organiques
* Méthode au phénol-chloroforme
[1]. Dans cette méthode dite « de référence », le
principe consiste à traiter le lysat cellulaire dans un premier
temps par du phénol volume à volume, puis, après centrifugation (3
000 g, 10 min) à éliminer la phase phénolique, par un mélange
chloroforme-alcool isoamylique (24:1), qui a notamment pour objectif
d'éliminer les traces éventuelles de phénol qui auraient pu être
emportées avec la phase aqueuse et qui sont fortement inhibitrices
des réactions enzymatiques. Le phénol, équilibré à pH 8,0, saturé en
eau, dégazé, avec ou sans agent anti-oxydant (8-hydroxyquinoléine),
est un puissant agent déprotéinisant dans lequel les acides
nucléiques ne sont pas solubles. D'autres alternatives à son
utilisation ont été préconisées, telle que l'utilisation du
perchlorate de sodium à 5 M (Nucleon-Bacc, Amersham Pharmacia
Biotech) [3].
* Méthode au chlorure de guanidium
[2]. Le principe consiste à traiter le lysat cellulaire
obtenu après action de la solution de lyse des globules rouges par
une solution d'un agent chaotropique, le chlorure de guanidium
(hydrochloride de guanidium 6 M 10 ml/acétate d'ammonium 7,5 M 0,5
ml), puis par une solution détergente et déprotéinisante (protéinase
K 10 mg/ml, 300 ml/sarcosyl 5 % 1,5 ml) 2 h à 56 °C.
Méthodes utilisant des
solvants non organiques [4]
Dans ces méthodes, le principe consiste à traiter uniquement le
lysat cellulaire par une solution saline, dont l'objectif est
d'éliminer par précipitation sélective les protéines. En fonction
des protocoles, des étapes de prétraitement par la RNase sont
proposées. Différentes solutions salines ont été préconisées : par
exemple, NaCl 2,5 M. Quelques kits commercialisés par des
industriels utilisent ce procédé.
Méthodes basées sur l'utilisation de
colonnes résines échangeuses d'ions
Ces méthodes d'extraction et de purification des acides
nucléiques sont les dernières récemment apparues. Elles sont basées
sur la propriété qu'ont les particules de silice d'adsorber
sélectivement les acides nucléiques. Les solutions de lavage
permettent de se débarrasser des contaminants tels que
l'hémoglobine, les protéines plasmatiques ou les ions
Fe2+.
Quelle que soit la méthode utilisée pour l'extraction et la
purification des acides nucléiques, la récupération des acides
nucléiques se fait en général par une élution, puis par une
précipitation.
La précipitation est le plus souvent réalisée par l'alcool
éthylique absolu froid à haute concentration (2,5 volumes par volume
d'échantillon) à haute force ionique (acétate d'ammonium 2,5 M).
Dans ces conditions, l'ADN précipite sous forme de filaments,
visibles à l'œil nu, qui peuvent être récupérés par enroulement sur
une fine baguette de verre. Le temps de précipitation varie en
fonction de la concentration des acides nucléiques, de 15 min à 10
h. Une alternative séduisante à l'alcool éthylique consiste à
utiliser l'isopropanol ; dans ce cas, le sel n'est pas nécessaire,
la précipitation se fait en général volume à volume et est
particulièrement adaptée aux grands volumes.
Dans tous les cas, le précipité est ensuite lavé avec une
solution d'alcool éthylique à 70 °C pour se débarrasser des traces
éventuelles de sels ou d'isopropanol, puis séché et resuspendu dans
une solution d'hydratation (en général, Tris 10 mM pH 7,5/EDTA 1
mM).
Place des méthodes
basées sur l'utilisation des microcolonnes de résines échangeuses
d'ions
Au cours de ces vingt dernières années, la majorité des études de
biologie moléculaire ont été réalisées à partir d'ADN génomique
extrait du sang total, soit par la méthode au phénol-chloroforme,
soit par une méthode basée sur la précipitation sélective des
protéines [1]. À titre d'exemple, sur les 26 laboratoires de
biologie moléculaire effectuant le diagnostic moléculaire de la
mucoviscidose en France, 10 utilisent la méthode au
phénol-chloroforme, 6 la méthode au chlorure de guanidium, 5 la
précipitation saline, 5 autres des méthodes rapides de lyse
cellulaire et 1 des colonnes de résine échangeuse d'ions [5]. Si la
méthode au phénol-chloroforme est reconnue comme la méthode de «
référence » permettant l'extraction d'un ADN hautement purifié
débarrassé de la très grande majorité des contaminants possibles,
elle a l'inconvénient majeur d'utiliser le phénol, produit toxique,
qui doit être manipulé avec grande précaution. Cette méthodologie
est donc peu adaptée au laboratoire d'analyse médicale de ville. Une
alternative séduisante repose sur l'utilisation de colonnes de
résine échangeuse d'ions.
Dans le cadre de l'évaluation de ce procédé d'extraction de l'ADN
à partir du sang total, nous avons comparé les méthodes d'extraction
de l'ADN basées sur l'utilisation de colonnes de silice avec les
méthodes basées sur l'utilisation de solvants organiques
(phénol-chloroforme et chlorure de guanidium).
Matériels et méthodes
* Produits concernés. a)
Colonnes Nucleospin Blood® (cat n° 740951)
(Macherey-Nagel), préconisées pour l'extraction d'ADN génomique et
pour permettre d'utiliser de petites quantités de sang total (200
µl) (intérêt pour l'analyse du sang fœtal, du sang de nouveau-né et
de nourrisson). Les différentes solutions sont passées par
centrifugation.
b) Colonnes Nucléobond AXG 100® (cat n° 740508)
(Macherey-Nagel), préconisées pour l'extraction d'ADN génomique à
partir de 2 à 5 ml de sang total. Les différentes solutions passent
par sédimentation.
c) Colonnes Quiagen Blood Kit Maxi® (cat n° 24164)
(Quiagen SA), préconisées pour l'extraction d'ADN génomique à partir
de 10 ml de sang. Les différentes solutions sont passées par
centrifugation.
* Échantillons. Trente
prélèvements sanguins de sujets adressés aux différents laboratoires
pour un diagnostic moléculaire d'une maladie génétique (consentement
écrit des sujets) ont été testés, comprenant chacun 16 ml de sang
total recueilli sur EDTA, conservé à 4 °C au maximum 1 j. Pour
chaque prélèvement, 200 µl ont été utilisés pour la méthode
Nucleospin Blood®, 5 ml pour la méthode Nucleobond AXG
100® et 10 ml pour la méthode de « référence » au
phénol-chloroforme. Par ailleurs, 30 autres prélèvements sanguins
ont été testés, comprenant chacun 10 ml de sang total recueilli sur
EDTA, conservé à 4 °C au maximum 1 j. Pour chaque prélèvement, 5 ml
ont été utilisés pour la méthode Quiagen Blood Maxi® et 5
ml pour la méthode de « référence » au phénol-chloroforme ou pour la
méthode basée sur l'utilisation du chlorure de guanidium.
* Techniques
a) Nucleospin blood®. Le protocole utilisé a
été celui proposé par le fabricant ; les tampons B3, B5 et la
protéinase K ont été préparés suivant ses recommandations. À 200 µl
de sang total sont ajoutés 25 µl de la solution de protéinase K (20
mg/ml) et 200 µl de tampon B3. Après homogénéisation et incubation
10 min à 70 °C, 210 µl d'éthanol absolu sont ajoutés. La solution
obtenue est alors déposée sur une colonne nucleospin, puis
centrifugée 1 min à 6 000 g. La colonne est ensuite lavée à deux
reprises avec 500 µl de tampon B5, suivi d'une centrifugation de 1
min à 6 000 g. Après une nouvelle centrifugation 2 min à 6 000
g, l'ADN est élué par 200 µl de tampon Tris-HCl 10 mM pH 9
préchauffé à 70 °C suivi d'une centrifugation 1 min à 6 000 g.
b) Nucleobond AXG 100®. À 5 ml de sang sont
ajoutés 5 ml de tampon G1 et 15 ml d'eau distillée. Après agitation
par retournement, la solution est incubée 10 min dans la glace.
Après centrifugation 15 min à 1 300 g à 4 °C, le culot est repris
par 1 ml de tampon G1 et 3 ml d'eau distillée. Après une nouvelle
centrifugation 15 min à 1 300 g à 4 °C, le culot est resuspendu dans
5 ml de tampon G1 et 100 µl de protéinase K (20 mg/ml) et incubé 60
min à 50 °C. La solution additionnée de 5 ml de tampon N2 est
déposée sur la colonne, préalablement équilibrée avec 2 ml de tampon
N2. Après écoulement de la solution par sédimentation, la colonne
est lavée avec le tampon N3. L'ADN est ensuite élué avec 2 fois 4 ml
de tampon N5. L'ADN est ensuite précipité par l'adjonction d'une
solution d'isopropanol (0,7 volume), puis la solution est
centrifugée à 5 000 g à 4 °C pendant 25 min. Le précipité est lavé
avec une solution d'alcool éthylique à 70 %. Après centrifugation à
6 000 g à 4 °C, le culot est dissous dans 250 µl de tampon Tris-EDTA
10/1 pH 8.
c) Méthode de « référence » au phénol-chloroforme. À 10 ml
de sang total sont ajoutés 30 ml de solution de lyse des globules
rouges (Tris 20 mM pH 7,5/MgCl2 5 mM). Après incubation
15 min dans la glace, la solution est centrifugée 5 min à 4 °C à 2
900 rpm. Le culot est resuspendu dans 3,5 ml d'une solution NaCl 400
mM/EDTA 2 mM. Après addition de 200 µl de SDS à 10 % et 80 µl de
protéinase K (10 mg/ml), la solution est incubée 4 h à 56 °C. Une
solution de phénol saturée avec anti-oxydant est additionnée volume
à volume. Après centrifugation à 4 000 rpm pendant 5 min, la phase
aqueuse est recueillie et traitée volume à volume par le mélange
chloroforme-alcool isoamylique 24:1. Après une nouvelle
centrifugation de 10 min à 4 000 rpm, la phase aqueuse est
recueillie et l'ADN est précipité par l'addition d'une solution
d'éthanol absolu (2 volumes) et de NaCl 5 M. Après centrifugation à
6 000 g à 4 °C, l'ADN est lavé par une solution d'éthanol à 70 %,
puis séché et redissous dans 500 µl de tampon Tris-EDTA 10/1 pH 8.
d) Quiagen Blood Kit Maxi®. Le protocole
utilisé a été celui proposé par le fabricant. À 5 ml de sang total
sont ajoutés 500 µl de la solution de protéinase K (20 mg/ml) et 6
ml de tampon AL. Après homogénéisation et incubation 10 min à 70 °C,
6 ml d'éthanol absolu sont ajoutés. La solution est alors déposée
sur une colonne QiAmp maxi, puis centrifugée 3 min à 1 850 g. La
colonne est ensuite lavée avec 5 ml de tampon AW1 suivi d'une
centrifugation de 1 min à 4 500 g. Elle est de nouveau lavée avec 5
ml de tampon AW1. Après centrifugation 1 min à 4 500 g et
évaporation des restes d'alcool éthylique à 70 °C pendant 10 min,
l'ADN est élué par 1 ml de tampon AE équilibré à température
ambiante suivi d'une centrifugation 5 min à 4 500 g.
e) Méthode au chlorure de guanidium. À 5 ml de sang total
sont ajoutés 30 ml de solution de lyse des globules rouges (Tris 10
mM pH 7,4/EDTA 10 mM). Après incubation 30 min dans la glace, la
solution est centrifugée 10 min à 4 °C à 4 000 rpm. Le culot est
resuspendu dans 40 ml d'une solution Tris 10 mM pH 7,4/EDTA 10 mM.
Après incubation 10 min dans la glace, la solution est centrifugée
10 min à 4 °C à 4 000 rpm. Le culot est resuspendu dans 2 ml d'une
solution Tris 10 mM pH 7,4/EDTA 10 mM pH 8/NaCl 50 mM, additionnée
de 10 ml de chlorure de guanidium 6 M et de 500 µl d'acétate
d'ammonium 7,5 M. Après agitation pendant 1 h, et addition de 1,5 ml
de sarcosyl à 5 % et 300 µl de protéinase K (10 mg/ml), la solution
est incubée 2 h à 56 °C. L'ADN est ensuite précipité par l'addition
d'une solution d'éthanol absolue (2,5 volumes). L'ADN est récupéré à
l'aide d'une baguette en verre, puis lavé à deux reprises par une
solution d'éthanol à 70 %, puis séché et redissous dans 500 µl de
tampon Tris-EDTA 10/1 pH 8.
* Critères d'évaluation de la qualité de
l'ADN
Les critères d'évaluation des différents procédés ont été :
La taille des fragments d'acides nucléiques. La
taille des fragments a été contrôlée par électrophorèse sur un gel
d'agarose à 0,8 %. Deux à 5 µl (selon le procédé) de la solution
d'ADN ont été déposés dans chaque puits d'un gel d'agarose à 0,8 %
soumis à une migration sous un courant de 100 volts pendant 2 h.
Cette analyse permet, par ailleurs, d'observer une éventuelle
dégradation de l'ADN survenue au cours de l'extraction.
Le rendement de l'extraction. La concentration de
l'ADN extrait a été déterminée en mesurant l'absorbance à 260 nm des
solutions diluées au 1/100 ou 1/50 (selon le procédé), sachant que 1
U DO correspond à 50 mg/ml d'ADN. Le rendement a été calculé en
réalisant le rapport entre la quantité d'ADN obtenue et le volume
initial de sang total utilisé.
La pureté. La contamination de l'ADN extrait par des
protéines a été appréciée en mesurant la densité optique des
extraits à 260 et 280 nm et en effectuant le rapport DO 260 nm/DO
280 nm. La pureté a été aussi appréciée en vérifiant l'amplification
d'un fragment d'ADN par la Taq polymérase. L'amplification d'une
région de 255 pb contenant l'exon 4 du gène codant pour la protéine
SpB du surfactant ou l'amplification d'un fragment de 91 pb
correspondant à l'exon 10 du gène CFTR ont été ainsi réalisées. Les
fragments amplifiés par PCR ont été contrôlés par électrophorèse sur
un gel d'agarose à 2 %. La pureté a enfin été vérifiée en appréciant
l'efficacité de la simple digestion par Bcl I, et de la double
digestion par les enzymes de restriction EcoRI et EagI. Les produits
de digestion ont été séparés par électrophorèse sur un gel d'agarose
à 0,8 %, transférés sur une membrane Neutral (Appligène-Oncor) et
hybridé avec la sonde StB12 ou la sonde A [6].
La rapidité. Le temps nécessaire pour réaliser une
extraction a été déterminé : temps réel et temps de travail.
Résultats
Les principaux résultats quantitatifs sont regroupés dans le
tableau
1. Le rendement moyen de l'extraction de l'ADN, calculé en
réalisant le rapport de la quantité d'ADN obtenu et du volume
initial de sang, était plus élevé avec les méthodes utilisant les
solvants organiques qu'avec les méthodes basées sur l'utilisation de
colonnes de résine échangeuse d'ions. Avec la méthode Nucléobond AXG
100®, le rendement pouvait varier selon l'échantillon de
4,5 à 42,6 µg/ml de sang frais. Pour ces mêmes échantillons situés
aux valeurs extrêmes, le rendement obtenu avec la méthode « de
référence » au phénol-chloroforme était de 31,7 et de 35,5 µg/ml,
respectivement. La pureté, appréciée en effectuant le rapport DO 260
nm/DO 280 nm, est correcte quelle que soit la méthode utilisée. On
observe une plus grande variation inter-échantillon avec la méthode
Nucléobond AXG 100® qu'avec la méthode « de référence ».
Les rapports de DO 260 nm/DO 280 nm varient de 1,2 à 2,05 avec la
méthode Nucléobond AXG 100®, alors que ce rapport ne
varie que de 1,52 à 1,97 avec la méthode « de référence ». Avec la
méthode au chlorure de guanidium, ce rapport varie de 1,62 à 1,82.
Avec la méthode Quiagen Blood Maxi®, les rapports se
répartissent entre 1,62 et 1,93. Avec la méthode Nucléospin
Blood®, les rapports de DO 260 nm/DO 280 nm étaient
inexploitables variant de 0,6 à 3,2. Ces rapports sont la
conséquence de la coloration brunâtre des solutions d'ADN obtenues
avec cette méthode, due probablement à l'impossibilité d'éliminer la
totalité de l'hémoglobine. Cette purification imparfaite de l'ADN
est probablement à l'origine de la dégradation de l'ADN lors de sa
conservation à 4 °C (4 échantillons/30 en un mois). Les
concentrations finales d'ADN étaient plus élevées avec les méthodes
utilisant les solvants organiques qu'avec les méthodes basées sur
l'utilisation de microcolonnes de résine échangeuse d'ions. Avec la
méthode « de référence », les concentrations variaient de 385 ng/µl
à 1 140 ng/µl. Au contraire, avec la méthode Nucléobond AXG
100®, les concentrations variaient de 60 à 852 ng/µl. De
même, avec la méthode Quiagen Blood Maxi®, les
concentrations finales étaient relativement faibles de 150 à 495
ng/µl en fonction du volume final (350 à 700 µl).
Sur un plan qualitatif, l'amplification du fragment de 255 pb ou
de 91 pb a été réalisée avec succès pour tous les échantillons
extraits par les méthodes au phénol-chloroforme, au chlorure de
guanidium et par Quiagen Blood Kit Maxi®. Avec la méthode
Nucléospin Blood®, l'amplification du fragment d'ADN de
255 pb a été réalisée avec succès pour 26 des 30 échantillons dès le
premier essai. Les 4 échantillons n'ayant pas amplifié au premier
essai ont été amplifiés correctement lors d'une deuxième tentative,
suggèrant plus un problème technique lors de l'amplification que la
présence d'inhibiteurs de réactions. Avec la méthode Nucléobond AXG
100®, l'amplification du fragment d'ADN de 255 pb a été
réalisée avec succès pour 27 des 30 échantillons. Les 3 échantillons
d'ADN n'ayant pas ou faiblement été amplifiés au premier essai ont
tous été correctement amplifiés au cours de la deuxième tentative.
Les contrôles réalisés par électrophorèse sur gel d'agarose ont
permis d'apprécier la qualité et la taille des ADN extraits par les
différentes méthodes. Les ADN obtenus avec les méthodes au chlorure
de guanidium, au phénol-chloroforme, par Quiagen Blood Kit
Maxi®, Nucléobond AXG 100® et Nucléospin
Blood® sont en très grande majorité des fragments de
grande taille (> 21 kb) très faiblement dégradés. La
concentration des ADN obtenus avec la méthode Nucléospin
Blood® est significativement plus faible (20 ng/µl
environ) qu'avec les autres méthodes, mais la variation
inter-échantillon apparaît être faible.
Des échantillons d'ADN extrait par chacune des différentes
méthodes (à l'exception de la méthode Nucléospin Blood®)
ont été digérés par les enzymes de restriction EcoRI et EagI et ont
été soumis à une analyse par Southern-Blot en utilisant la sonde
StB12. La double digestion a été correcte pour tous les échantillons
d'ADN testés, ainsi que le transfert et l'hybridation. Les fragments
attendus de 2,8 et 5,2 kb ont été correctement visualisés avec tous
les ADN testés (figure
1). Par ailleurs, nous avons digéré par l'enzyme de
restriction Bcl I des échantillons d'ADN extrait par les méthodes
phénol-chloroforme, chlorure de guanidium et Quiagen Blood Kit
Maxi® (figure
2). Les fragments d'ADN digérés ont été soumis à un
Southern-blot en utilisant la sonde A utilisée pour le diagnostic de
l'inversion dans l'hémophilie A. Cette technique nous a permis de
vérifier la possibilité de détecter des fragments génomiques de
grande taille de 21 Kb avec les trois méthodes testées.
Commentaires
Quelle que soit la méthode d'extraction et de purification des
acides nucléiques utilisée, nous avons obtenu de l'ADN en qualité et
en quantité suffisantes pour réaliser des actes de biologie
moléculaire. Le rendement moyen d'extraction était de 15 à 41 µg/ml
de sang frais en fonction des méthodes. Cette quantité permet de
réaliser au minimum une analyse par Southern-blot et plusieurs
dizaines de réactions de PCR par ml de sang. La méthode Nucléospin
Blood® ne permet toutefois pas d'obtenir un ADN en
qualité et en concentration suffisante pour réaliser avec sécurité
un Southern-blot. La pureté est considérée comme satisfaisante avec
toutes les méthodes testées. Le rapport de DO 260/280 nm a été
notamment excellent avec la méthode Quiagen Blood Kit
Maxi®. En revanche, les concentrations en ADN sont
nettement plus faibles avec les méthodes basées sur l'utilisation de
colonnes de résine échangeuse d'ions par rapport aux méthodes
utilisant des solvants organiques. Les concentrations en ADN
obtenues avec les méthodes Quiagen Blood Kit Maxi® et
Nucléobond AXG 100® sont en moyenne de 217 et 306 ng/µl.
Ces concentrations, bien adaptées à la méthode PCR, ne sont pas
adaptées à des expériences ultérieures de Southern-blot, nécessitant
environ 10 µg dans un faible volume (10 à 30 µl). Il faut dans ces
cas effectuer des concentrations par précipitation.
Les échantillons d'ADN extrait par les différentes méthodes
testées ont été correctement amplifiés par PCR et digérés par une ou
plusieurs enzymes de restriction. Les techniques de Southern-blot
ont été réalisées avec succès avec tous les échantillons d'ADN
testés, permettant de détecter aisément des fragments de 20 kb.
En termes de temps, la méthode testée la plus rapide a été la
méthode Nucléospin Blood® qui permet d'obtenir un ADN en
solution en 30 min (20 min de travail effectif). Cette méthode est
ainsi particulièrement adaptée aux échantillons sanguins de petit
volume (sang fœtal, sang de nouveau-né et de nourrisson...). La
méthode Quiagen Blood Kit Maxi® permet d'obtenir un ADN
en solution en 2 h 30 (dont 1 h 35 de travail effectif). La méthode
Nucléobond AXG 100®, en l'absence de centrifugation, est
plus longue, environ 5 h (dont 2 h 40 de travail effectif). Les
méthodes les plus longues sont celles utilisant les solvants
organiques (6 h avec la méthode au chlorure de guanidium et 6 h avec
la méthode au phénol-chloroforme (dont 5 h 20 de travail effectif,
sans compter le temps de resuspension et d'homogénéisation de l'ADN
en solution). Des méthodes très rapides, adaptées uniquement à
l'amplification par PCR de fragments génomiques, ont été récemment
commercialisées : Genereleaser® de ATGC Biotechnologie,
qui consiste à ajouter 1 µl de sang directement dans un tube PCR
contenant une solution de lyse (10 mn), et Dynabeads DNA
direct® de Dynal, qui consiste à purifier de l'ADN dans
un seul tube à partir de 10 µl de sang à l'aide de microbilles
magnétiques (10 mn). L'avenir est probablement dans l'automatisation
de ces méthodes d'extraction de l'ADN.
En termes de coût en matériel et réactifs (tableau
2), les méthodes conventionnelles (phénol-chloroforme,
chlorure de guanidium) sont les moins coûteuses. La méthode
Nucléospin Blood® semble toutefois bien adaptée aux
analyses par PCR limitées en nombre et dans le temps (absence
d'analyse complémentaire ultérieure). Les méthodes Quiagen Blood
Maxi® et Nucléobond AXG 100®, plus simples et
plus rapides que les méthodes conventionnelles, réduisent le coût en
personnel et peuvent ainsi être des alternatives intéressantes dans
certains laboratoires.
Le tableau
3 récapitule les principales qualités et les principaux
inconvénients des différents procédés d'extraction des acides
nucléiques à partir d'un échantillon sanguin et devrait ainsi aider
les biologistes à choisir la méthode d'extraction la plus adaptée à
leur besoin.
La conservation des acides nucléiques n'a pas été testée dans
cette étude. Il apparaît toutefois que pour des préparations d'ADN
purs conservés à 20 °C, l'ADN se conserve plus de 10 ans [7].
Article reçu le 7 juillet 1998, accepté le 26 octobre 1998.
REFERENCES
1. Sambrook J, Fritsch EF, Maniatis T. Molecular
cloning : a laboratory manual. Cold Spring Harbor Laboratory.
Cold Spring Harbor, New York, 1989.
2. Jeanpierre M. A rapid method for the purification of
DNA from blood. Nucleic Acids Res 1987 ; 15 : 9611.
3. Johns MB, Paulus-Thomas JE. Purification of human
genomic DNA from whole blood using sodium perchlorate in place of
phenol. Anal Biochem 1989 ; 180 : 276-8.
4. Miller SA, Dykes DD, Polesky HF. A simple salting-out
for extracting DNA from human nucleated cells. Nucleic Acids
Res 1988 ; 16 : 1215.
5. Atelier Biomed « Mucoviscidose », Créteil, 22-24 avril
1997.
6. Wion KL, Tuddenham EDG, Lawn RM. A new polymorphism in
the factor VIII gene for prenatal diagnosis of hemophilia A.
Nucleic Acids Res 1986 ; 14 : 4535-42.
7. Madisen L, Hoar DI, Holroyd CD, Crisp M, Hodes ME. DNA
banking : the effects of storage of blood and isolated DNA on the
integrity of DNA. Am J Med Genet 1987 ; 27 : 379-90.
|